ESSAI HISTORIQUE DU DOMAINE DE MANISSY

(paroisse de Tavel)

Origine du domaine

Le domaine de Manissy provient d’un partage de celui de Clary. D’après un acte notarial, en possession de la famille Le Masson, du 5 pluviose de l’an 5 de la République (28 janvier 1797), monsieur le Vicomte de Saint Priest, propriétaire du domaine de Clary, partageait son domaine en quatre parties qu’il léguait à chacune de ses quatre filles.

Sa troisième fille, dénommée dame Marie Joséphine Xavier Emilie Guignard de Saint Priest, recevait la partie sud du domaine de Clary, environ 75 hectares. Près de la limite sud de la propriété avait été bâtie, il y a peu d’années (une vingtaine au plus) une métayerie avec maison de maître, laquelle avait reçu le nom de métayerie de Manissy.

A l’ainée des filles est échue la partie nord, avec les bâtiments (maison de maître, maison des fermiers et bâtiments d’exploitation, construits aussi récemment) de Clary (on trouve aussi Manessy).

Tandis que Marie Joséphine Emilie prenait le nom de Madame de Manissy (orthographié aussi Manici dans le contrat), son aimée prenait celui de Madame de Clary. Les deux autres filles, Madame de Saint Juery et Madame de Saint Ferréol.

Monsieur de Saint Priest, dit le contrat, se défait de son domaine pour prendre une étude de notaire à Montpellier.

Quant à sa fille, il est fort probable qu’elle s’est retirée de Manissy pour rejoindre ses parents à Montpellier. Toutes les lettres qu’elle adresse à messieurs d’Acquéria et du Grail, sont datées de Montpellier. C’est insinué dans ses lettres à Monsieur du Grail, conservées par la famille Le Masson, lorsqu’elle lui écrit que son domaine a une valeur accrue par les plantations de vignes qu’elle a entrepris de faire durant son séjour à Manissy. Par ailleurs, il est aussi question de meubles qu’elle a laissés à Manissy en se retirant à Montpellier. Néanmoins, elle n’avait pas l’intention de l’exploiter longtemps, car monsieur d’Acquéria, en mariant sa fille ainée Agnès à Monsieur du Grail, savait que la propriété était à vendre et il se réservait de l’acquérir en vue d’y établir le jeune foyer. Le mariage fu accepté dans cette perspective par monsieur Jean-Louis du Grail et la propriété de Manissy achetée par Monsieur David d’Acqueria au nom de son gendre. Monsieur d’Acqueria devait verser pour son paiement 40.000 francs, promis pour la dot de sa fille, et Monsieur du Grail devait solder le reste. Le prix offert par l’acquéreur était de 50.000 francs, mais avec quelques acquisitions de terrains limitrophes et plantations de vigne, Madame de Manissy estimait sa propriété à 60.000. L’entente finit sur 54.000 francs, payables en plusieurs versements. Les deux premiers concernant la dot furent de 20.000, et sans ajournement, les autres payés par Mr. Du Grail mirent vingt-cinq ans pour éteindre complètement la dette. Ce n’est qu’en 1826 que la mutation de la propriété s’accomplit, toute dette levée.

Chaque annuité donnait lieu à une correspondance qui est entièrement conservée entre les mains de la famille Le Masson.  

Outre le fonds territorial, Mr. Du Grail avait acquis, avec la métayerie, les animaux d’attelage, c’est-à-dire 2 bœufs et 2 mulets et le matériel d’exploitation qui, en ce temps-là, n’était pas compliqué ; avec aussi quelques meubles grossiers pour le personnel ouvrier.

D’après les lettres échangées entre Mme de Manissy et Mr. D’Acquéria, il est parlé du mariage de Mr. Du Grail comme ayant eu lieu au début de 1801, an IX de la République. Dans une liste des événements de la famille donnée par Mme Le Masson, ce mariage est situé an II de la République, ce qui correspond au 23 janvier 1794. Ce doit être une erreur. On peut conjecturer plus probable la date de 1801 car les enfants naissent à partir de 1803 seulement [1] .

Quant à l’entrée en exploitation de Manissy par Mr. du Grail, elle date de 1801, même si le mariage, qui a été célébré à Villeneuve les Avignon, a eu lieu en 1794.

Il est probable que le prix des bêtes de trait et du matériel était compris dans les 54.000 francs : il n’en est pas fait mention spéciale dans les lettres de Mme de Manissy.

Pour arrondir son domaine, Mme de Saint Priest Manissy (comme elle signe ses lettres) a acheté, l’an VI de la République, un terrain national longeant sa propriété au sud, entre la limite de ce domaine et la route Roquemaure-Remoulins construite vers 1785 environ. Ce terrain inculte servait de pacage aux troupeaux de Roquemaure et de Tavel. Sa limite supérieure est encore reconnaissable par le talus qui suit la route à 100 m environ du côté opposé à d’Acquéria, le mur de la treille et allant jusqu’au chemin ancien de Lirac. D’autres acquisitions moins étendues se sont faites sur les voisins du territoire de Tavel et de celui de Roquemaure, de sorte que la superficie du domaine de Manissy est maintenant de 84 ha. Ses limites avaient d’abord été fixées par des piquets en bois. Mais dans la suite il a été borné avec des pierres. Autrefois Manissy faisait partie, comme d’Acquéria, du territoire de Tavel. C’est par raison politique qu’il est passé à Roquemaure.

Dès son installation à Manissy, Mr. Du Grail s’efforce de mettre la propriété en valeur et à faire les améliorations qu’il juge utiles, de telle sorte que Mme de Manissy, projetant en 1809 un voyage à Manissy, s’attend à ne plus reconnaître son ancien domaine, tellement le nouveau propriétaire y a apporté d’amélioration.

En 1801, Mr. du Grail a 42 ans. Il est fort et énergique. C’est un officier de santé en retraite. Il montra sa crânerie dans un fait particulier : les révolutionnaires avaient projeté (tout au commencement) d’attaquer le château et de s’en emparer. Il leur fit savoir qu’ils trouveraient quelqu’un là pour le défendre à main armée. C’était lui qui se chargeait de le faire. Les révolutionnaires comprirent et jamais ils n’entreprirent l’attaque projetée.

Le nom de Manissy donné à la propriété est d’origine inconnue. Il était donné, déjà, sous la propriété des Saint Priest, à cette partie du domaine de Clary qui, tout d’abord, était une simple bergerie.

L’EXPLOITATION

Sous les de Saint Priest, la maitayerie comprenait camps, bois, vignes et pâturages. Le vin était déjà reconnu d’une qualité supérieure. Mr. du Grail comprit vite l’avantage qu’il y avait à exploiter le sol pour la vigne. Il s’efforça de développer davantage cette branche de son rapport et fit défoncer et défricher un peu chaque année.

(Ici s’arrête les notes du premier cahier,

dont l’auteur n’a pas révélé son nom)

LE REVEREND PERE DELOMBARDE

Premier fondateur et supérieur de la branche française

Des Pères de la Sainte Famille

Le révérend père Jules, Emile Delombarde est né à Waereghem, en Belgique flamande, le 8 janvier 1878. Dès son jeune âge il eut un grand attrait pour la vie missionnaire. Il fut admis faire ses études chez les Pères Blancs en Afrique et émit chez eux les veux temporaires. Ayant contracté les fièvres paludéennes, il doit revenir en Belgique. C’est alors qu’il fait la connaissance du nouvel Institut du père Berthier pour vocations tardives. Il y demande son admission et, après une année d’études, entre au noviciat, émet ses premiers vœux en 1903, reçoit le sacerdoce en 1908.

Il commence dès lors sa vie de missionnaire et d’écrivain qu’il va porter à la hauteur du P. Berthier : missions, retraites de communauté, ouvrages composés sur la Sainte Vierge, vie du Père Fondateur. Activité débordante jointe à un esprit contemplatif et mystique.

En 1910, il nous arrive supérieur de la nouvelle fondation française pour laquelle il trouve une résidence provisoire à Wachey, sa région natale.

En 1912,

[1] On lit en marge du texte la notation suivante : « Le mariage a été célébré en réalité en l’an 1794, à Villeneuve les Avignon, mais les époux demeurent à Saint Agrève (Ardèche), dans un hôtel qui existe encore. Mme du Grail ne se plaisant pas à Saint Agrève, devint malade, ce qui occasionna le projet de chercher un domaine plus porche de la famille d’Acquéria. »